Universalisme bourgeois : Le cas Caroline Fourest.
Méta-contexte ou « comment ce genre de billets vont arriver là ? » :
Bon… je discute plutôt beaucoup (TROP !) sur les réseaux sociaux, et parfois je fais des réponse un peu trop longues pour les abandonner aux flots de la Timeline. Alors du coup, je vais reposter des morceaux choisis en articles sur ce blog. A l’occasion, il faudra que j’y trouve une catégorie spécifique…
Contexte ou « comment CE billet arrive là » : Tout est parti d’un ami qui postait un papier du Point (ça s’engageait mal…), au sujet du dernier allume-feu signé Caroline Fourest (Combo gagnant…), collectivisé ici.
Pour la faire brève, Caroline Fourest s’y apitoie sur le traitement qu’elle subit de la part d’une « certaine gauche », « intersectionnelle et faussement libertaire », et qui fait rien qu’à l’embêter avec des postures morales, même pas de gauche, influencées par des militants américains, et qui font le jeu de l’extrême droite.
Parce que, Caro’, elle, elle s’y connaît en gauche.
La preuve, elle a été prise en photo dans la manif #JeSuisCharlie. « (Comment ça je caricature ? En effet ! Mais, au moins je le reconnais, et c’est pas moi qui ait commencé…)
Or donc, cet ami de réseau social, avec qui j’aime débattre surtout quand je trouve qu’il dit des conneries, et se revendiquant pourtant d’une sensibilité fondamentale « de gauche », voire anarchiste, relayait ce torchon en souscrivant joyeusement à l’intégralité des propos.
Autant vous dire que je débats souvent avec lui, mais il est cordial et sais reconnaître un dissensus insoluble dans un couloir éclairé de quelques arguments, donc ça passe.
Je lui répondais donc rapidement, critiquant l’article en question ainsi :
MOI : OK boomer.
« J’ai pris trois exemples pour confirmer mon postulat, mais je n’ai surtout pas fait le travail contradictoire pour voir si une partie de la gauche (notamment libertaire et intersectionnelle) critiquait ces questions… »
Bref, un bon article du Point, dans la ligne édito du Point.
LUI : Elle n’est pas Boomer, moi non plus, et cette expression est de la merde en barre.
Ensuite c’est un article sur un livre, ni toi ni moi ne savons actuellement tout ce qu’il évoque ou non.
Et tant mieux si d’autres parties de la gauche critiquent aussi ces phénomènes. En tous cas je suis avec elle sur tout ce qui est dénoncé, et je pense aussi que cette dérive est très, très dangereuse à plus d’un égard (Rice Burroughs).
[NDdL : Force est d’ajouter que trois commentaires plus bas il s’étonnait d’être autant d’accord avec elle, et de surcroît avec un article du Point… c’est peut-être un détail pour vous, mais pour lui… pouf-pouf… c’est peut-être là qu’il aurait dû se poser des questions, d’autant que Salamé /Demorand et Le Figaro étaient déjà sur le coup… mais bon.]
D’où la réponse circonstanciée suivante (que j’ai un peu pimpé à posteriori, par soucis de sourçage et de dynamisme, tu m’excuseras, chèr⋅e lecteurice, mais je l’ai amendée rien que pour tes beaux yeux. Des coeurs avec les doigts) :
Autopsie d’une expression même pas morte : «
Premièrement, ce n’est pas parce que tu ne comprends pas une expression, ou que tu ne te sens pas concerné par ce qu’elle pointe qu’elle ne veut rien dire pour autant (et, au premier chef, c’est surtout Caroline Fourest que je vise).
En l’occurrence, l’expression « Ok boomer » souligne notamment le conflit intergénérationnel, et répond aux personnes d’un age… disons ‘non-négligeable’ qui critiquent les générations plus jeunes à coups de postulat pétris de paternalisme du type « ce sont des petits cons/ignares/imbéciles/n’importe-quel-qualificatif-condescendant », mais vis-à-vis desquels ces « sages » ne font manifestement aucun travail préalable consistant à comprendre la position adverse. Et c’est précisément ce que je pointe.
Schémas typique de ce conflit intergénérationnel, le renforts d’arguments du type « de mon temps, c’était quand même vachement mieux », ou « cette génération n’a pas connu les horreurs de la guerre d’Algérie/de l’occupation allemande/de la grippe espagnole/des émissions de Michel Drucker ».
Autre posture habituelle soulignée par le « OK Boomer » les dénonciations des « combats futiles » (sic l’article en question) que la jeune génération mène, parce qu’ils « ne savent que se plaindre, ces gamins tout mous pervertis par le consumérisme américain ! »…. et l’essentialisme, c’est le cadeau Bonux (oui, j’essaie de faire des références intergénérationnelles, parce que bon)…
Et puis de toute façon, « notre génération a mené tous derniers les combats qui en vaillent la peine, maintenant on vit dans une société parfaitement égalitaire » déclamé par des personnes plutôt (très) bien insérées socialement, et visiblement préservées de toute confrontation aux inégalités sociales. Parce que bon, il faudrait pas trop remettre en cause le fait que la société soit égalitaire surtout pour les personnes qui le disent, mais vachement moins pour d’autres, qui n’y connaissent rien en égalités car elles n’y ont pas droit, ces fégnasses.
Et puis surtout, tout le monde sait ça : « On peut plus rien dire. Au secours Coluche ! Au secours Desproges ! Liberté d’expression=Charlie Hedbo, et critiquer Charlie=Attentats. OK ?! » Eeuuuh… au passage : c’est pas précisément une injonction morale victimaire pété de leviers fallacieux, ça, d’ailleurs ?…
Bon, encore Coluche, ça passe ; il était apolitique (« donc de Droite !! », répondra l’écho).
Mais Desproges… Franchement..? Arrêtez avec Desproges, vous êtes indécents et ridicules.
Bref, tout ça pour dire que l’on peut avoir un parfait argumentaire « Boomer » sans appartenir à la génération Boomer soi-même (j’ai des noms… et la critique de cette expression est d’ailleurs un indice assez fiable du « mental de Boomer »…). Et pour en revenir au sujet de la présente feuille de choux, je pense que s’il existait un « Bingo Boomer », on y cocherait à peu près toutes les cases rien qu’avec ses 20000 caractères.
Et voilà pour la forme.
Universalisme bourgeois, partial et…. de droite.
«
Pour le fond, tu en conviens, cet article présente un livre, dans un entretien avec son autrice (n’en déplaise à l’EHPAD du Quai Conti, oui, j’utilise « autrice » et vous plaigniez pas sinon je refait tout en écriture inclusive rien que pour le plaisir d’en voir chouiner certains…). Je présume qu’elle aura au moins eu la volonté d’en présenter le contenu d’une manière à peu près honnête ou exhaustive… sans quoi cet article n’aurait à mon avis aucun foutu sens ?
Autrement dit, mémère Fourest présente elle même son postulat rabougrit, à savoir une critique d’une jeune génération (15 occurrences de « génération » dans l’article dont le titre même de son livre… ça me semble un point crucial) par deux axes :
- des arguments de principe, sur fond de conflit de génération, de l’acabit de ceux que je détaille juste au dessus. Mais ça, du coup, c’est déjà traité.
- des exemples choisis avec soin, mais parmi lesquels je ne vois aucun cas contradictoire. AU-bordel-de-CUN (mais j’ai peut-être mal lu… auquel cas je veux bien que l’on m’en indique… parce que oui, j’aime la contradiction).
Attention, je ne dis pas que les exemples mobilisés par Tatie Fourest soient faux. Juste qu’ils sont partiels, partiaux et que cet article présente une généralisation aussi impressionnante qu’abusive. Car pour être moi-même un peu impliqué dans les milieux libertaires et intersectionnels « incriminés », je suis assez bien placé pour savoir que les positions qu’elle accuse, et les exemples (pour le moins datés) qu’elle mobilise, sont loin, très loin de faire l’unanimité, et sont vertement critiqués, débattus, objectivés dans une bonne partie des milieux radicaux que je fréquente…
Et, loin d’être réservées à d’obscurs débats sur des réseaux militants, ces critiques sont tout à fait accessibles publiquement… à condition de se dépouiller de son habit de mauvaise foi crasse, évidemment.
On pourra citer parmi d’autres exemples grand publics, un article de Mademoiselle concernant la cancel culture ; reposant lui-même sur une vidéo de ContraPoints ; animé par Natalie Wynn ; elle-même un peu impliquée dans ces questions critiques ET militantes ; et d’ailleurs, elle aussi, américaine. Mais j’imagine que tout ça casse un peu trop des postulats ci-présentés en un seul exemple….
On pourrait parler du fait que des historiens plutôt (TRÈS TRÈS) à gauche aient pris position contre l’annulation d’une pièce de théâtre dénoncée pour un postulat raciste, mais qui répondait en premier lieu à un soucis d’historicité ((https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/guetteurs-tocsin/a-propos-du-blackface–politique-memoire-et-histoire-105)).
A l’inverse, la question de la marche contre l’islamophobie, qui en l’occurrence à plutôt fait hurler les universalistes post-coloniaux que l’inverse…
Ou plus récemment encore, le positionnement de certaines franges du féminisme intersectionnel ayant soutenu Benjamin Griveaux (oui) en tant que victime (oui), parmi d’autres, d’une pratique nommée le revenge porn, et soulignant notamment le fait que sa fameuse « vidéo » a été réalisée dans le cadre d’un rapport entre adultes consentants, pendant que d’autres tiraient sur l’ambulance à coups d’injonctions morales tout aussi rigolardes que basses de plafond…
Perso, je ne trouve pas tellement que ces quelques exemples correspondent à ce grand « consensus victimaire » que présente Mamie Fourest.
Et je ne parle que de ceux qui me passent par la tête…
Vous avez dit déontologie ?
«
Or, en tant que journaliste (car je crois que c’est encore le métier qu’elle prétend avoir… Non ?), ce serait un peu professionnel de présenter un travail comportant un minimum d’honnêteté intellectuelle (contradictoire donc), ce qui, de ce que je lis dans la présentation de son livre faite par elle-même dans cet article -je précise lourdement pour éviter tout « gnegneu procès d’intention »-, n’est pas, mais alors pas du tout, le cas. Parce que sinon, moi aussi, je suis journaliste. Des articles et des papiers orientés, je t’en sors tous les jours…
En 3400 mots, on prend pourtant le temps de défendre l’illustre figure de la Gauche qu’est François Hollande (non mais sérieusement..?), tout en condamnant Polanski du bout des lèvres, le trouvant à peine gênant…
Mais aucun soupçon de relativisation, pas un mot sur le fait qu’il y ait des débats et des dissensus concernant les sujets pourtant centraux dans ce livre, lui-même objet principal de l’article.
Et, cerise sur le ponpon, on réduit « uNe cErTaiNe gAuChE » à l’extrême droite –voir le très bon papier du Monde Diplo à ce sujet, c’est cadeau, ça fait plaisir- par l’exact renversement d’un l’essentialisme dénoncé, pourtant vertement, quand quiconque vient objecter les prises de position sociales de cette si précaire « »journaliste » » mais néanmoins heureuse gagnante d’un « Y a Bon Award » en 2012.
Missa brevis….
«
Donc, oui, cet article est partial, et il y a fort a parier que le torche-cul qu’il présente le soit tout autant.
Dont acte, le paternalisme petit-bourgeois d’une « Mémé Fourres-y-tout » qui préfère tirer à boulet rouges sur tout ce qui l’enjoindrait à tant soit peu d’autocritique plutôt qu’essayer de faire un travail journalistique honnête, moi, rien qu’en lisant cette « quatrième de couv' », je suis tout à fait capable de qualifier le contenu. ->
D’ailleurs, les dénonciation victimaires sans nuances, il me semble que c’est justement le sujet de ce bouquin. Or c’est précisément ce dans quoi elle semble tomber , un manque de nuance total (« et c’est pas comme si c’était ni la première fois, ni problématique« , répondra l’écho), non-sans adopter au passage cette même posture victimaire qu’elle dénonce sous de grands airs moraux.
Mais c’est probablement pas sa faute à elle : c’est les autres qui ont commencé.
Bref. Chers amis gauchos-radicaux-intersectionnel⋅le⋅s-et-libertaires-islamocomplésants, un dernier conseil :
A nos « amis » :
A l’égard de Caroline Fourest, soyons gentils et bienveillants : rangeons la soigneusement dans la boite dont n’aurait jamais dû la sortir.
La boite de l’universalisme moral à la papa, essentialisant, et indifférencié pour le bien des bougnou… nègr… grain de r… des… enfin des autres, là ! Vous savez, les…. *agite sa main devant son visage*
Cet universalisme des injonctions que la bourgeoisie ne renierait pas, envers ces petits prolos ignares qui n’y connaissent rien, et sont probablement incapable d’autocritique, parce que… parce que… parce que « je sais pas, j’ai pas regardé dedans, j’avais brunch dans le 5ème avec François-Donatien Vaquette de Gribauval (mais je l’appelle Fan-Do, c’t’un intime…). Bref…. « parce que » bah j’ai pas que ça à foutre, moi ! Voilà quoi ! »
L’universalisme indifférencié d’une gauche au mépris de classe chevillé au corps, et du Jean-Pierre Chevènnement au cul.
Cette gauche de la Culture, avec un gros Q bien chuintant au début, et d’un E préposal lancinant à la fin (prononcer « la kHulturanh ! »).
Cette gauche qui préfère affranchir les dominés que les émanciper. Parce que s’il apprenaient à s’émanciper, ces cons, ils pourraient finir par remettre en cause sa position sociale à elle, à cette gauche. Alors elle risquerait d’y perdre ses privilèges, et là ce serait le bordel… la chienlit !
Bref, cette gauche qui s’accommode bien d’un autoritarisme au ronron liberticide feutré, tant qu’on vient pas chier sur ses propres libertés bourgeoises à elle, parce que faut quAnD mÊmE PaS DÉCONNER, NAN MAIS OH ! T’AS VU COMME TU PARLES A TON PÈRE, P’TIT⋅E CON⋅NE !!
Non mais c’est vrai à la fin, quoi… aujourd’hui tu leur laisses l’écriture inclusive, et demain c’est quoi ? l’anarchie !?
*Ahum*
Bref…
Comme dirait l’autre :
« A lundi prochain. »
Niko_DdL
Mardi 25 Février 2020
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